« Médiations africaines dans la construction et la réappropriation d’un savoir ethnologique », tel est le thème de la 4ème édition du colloque qui se tient à Dakar du 22 au 24 mars et organisé par l’Université et Léo Frobenius. En conférence de presse, ce lundi, le Pr Kassé a expliqué les enjeux de ce conclave qui verra la participation d’ethnologues, anthropologues, sociologues Allemands, Français et d’universitaires africains pour discuter de la construction d’un savoir africaniste en Europe, et d’autre part, dans la réappropriation de ce savoir par les intellectuels africains. Une manière de ressusciter Senghor et Léo Frobenius dont les écrits seront exposés devant ce parterre d’invités venus des quatre coins du monde.
Le colloque de Dakar pose la question des médiations africaines dans une perspective interdisciplinaire unissant des disciplines comme l’histoire, l’anthropologie, l’histoire de la science, la philosophie, les études littéraires et la sociologie de la connaissance, afin d’entamer une réflexion sur les continuités, les ruptures, les métamorphoses et les adaptions d’un savoir ethnologique/anthropologique concernant l’Afrique. « La première partie du colloque examinera les fondements empiriques d’un savoir ethnologique et le rôle crucial mais souvent sous-estimé des intermédiaires africains (guides, traducteurs, élites politiques et savantes…) dans l’appropriation et la construction d’un savoir africaniste se basant sur une approche de terrain. Aucune connaissance sur les réalités africaines n’a pu être générée sans l’appui des intermédiaires et interlocuteurs africains. Il s’agit de ceux que Simpson (1976) appela « the dark companions » parce qu’ils restèrent dans l’ombre des explorateurs et chercheurs européens qui n’en font guère mention », soutient le Pr Kassé. Selon lui, « les savoirs historico-culturels produits sur l’Afrique furent dans leurs débuts presque entièrement le fief de l’anthropologie. Du côté anglais, l’approche fonctionnaliste et structuraliste nourrissait de manière utile le projet colonial, le fameux « présent ethnographique » fixant les sociétés africaines comme des entités « tribales » ou « ethniques » immuables et sans histoire ». Concomitamment dans d’autres pays européens, d’autres approches d’inspiration moins utilitariste fleurissaient et se penchaient davantage sur l’historicité des sociétés africaines (Espagne/Lüsebrink 2015). La seconde partie du colloque met l’accent sur l’émergence et le développement des études africaines en Afrique. Elles reposaient paradoxalement sur des corpus de savoirs plus anciens, accumulés majoritairement avant et pendant la période coloniale et par une ethnologie que la plupart des universitaires postcoloniaux en Afrique accusaient d’être l’enfant du colonialisme. Par conséquent, les sujets ethnologiques se trouvèrent subsumés sous et confinés dans des disciplines aux connotations plus neutres comme l’histoire ou la sociologie. C’est ainsi qu’on note des continuités entre le savoir anthropologique développé en Europe et les études africaines souvent initiées par la diaspora ou les intellectuels d’origine africaine, puis institutionnalisées dans les universités nouvellement créées. Il est donc attendu de ce colloque de Dakar une nouvelle forme de médiations africaines dans la perspective mettre en lumière la manière dont les transferts et réappropriations de ce savoir africaniste ont pu influer sur les pratiques muséographiques africaines et quel héritage ils représentent pour les musées africains, tel le musée Théodore Monod et le Musée des Civilisations Noires à Dakar.
Youssouf NDIONGUE
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