Une vilaine affaire de cuves mine la Société africaine de raffinage (Sar). Selon des sources, des manœuvres sont en train d’être orchestrées par d’intenses lobbies proches du pouvoir pour faire main basse sur la raffinerie de Mbao.
Après le départ de Saudi Binladen group, «de petits complots pour discréditer l’actuel management sont organisés». Et, sous peu, préviennent nos sources, l’Etat risque de marquer des buts contre son camp, malgré les perspectives alléchantes d’exploitation de l’or noir sénégalais.
Tartuferies en bandes organisées à la Société africaine de raffinage (Sar). Les bonnes perspectives du secteur pétrolier du Sénégal donnent de sacrées bonnes idées à certains barrons du pouvoir. Alors que la majorité des Sénégalais continuent de chercher la queue du diable pour la tirer, d’autres manœuvrent en douce pour huiler leurs affaires et se partager les rares ressources du pays. Et c’est dans le secteur pétrolier que des bizarreries indignes d’une gouvernance «sobre et vertueuse», et non «sombre et vicieuse», font légion. En effet, selon des sources sûres, des lobbies intenses sont en train d’être menés pour que l’entreprise tombe dans le giron de la Compagnie ouest africaine de crédit-bail (Locafrique) de l’homme d’affaires Khadim Bâ. Lequel a récemment pris part au tour de table de la Sar en rachetant les 34 % d’actions du groupe Saudi Binladen pour 10 milliards de francs Cfa. Un joli coup que tous les «patriotes» magnifient. Mais pour avoir les coudées franches et dérouler sa propre vision de cet instrument hautement stratégique pour le devenir du pays, Locafrique lorgne les 18 % de parts de Petrosen promises par les tenants du pouvoir. Et les choses semblent être en bonne voie. Mais ce deal presque parfait irrite certains membres du Conseil d’administration de la raffinerie qui refusent de laisser passer si facilement une telle «forfaiture» où l’on risque de brader des bijoux de famille.
Selon ces responsables, tout a été orchestré d’une main de maître. Le premier acte de cette «basse manœuvre» consistait à persuader les autorités que la raffinerie constitue un véritable fardeau pour l’Etat puisqu’elle nécessite de gros investissements qu’on ne peut se permettre pour des plus values incertaines. Et l’absence pour raison de santé du conseiller du chef de l’Etat sur les questions d’hydrocarbures est, selon nos sources à la Sar, une aubaine pour cette «camorra» qui en profite pour flouer les autorités et mettre la Sar dans leurs poches.
La seconde étape consiste, selon nos sources, à «décrédibiliser l’actuel management de l’entreprise». Dans cet exercice, plusieurs informations ont été distillées dans la presse pour étaler les carences des gestionnaires. Lesquels n’ont pu réaliser que «7 millions de francs Cfa de bénéfices sur un chiffre d’affaires annuel de 400 milliards de francs». Des arguments fallacieux, selon un administrateur qui signale que ceux qui divulguent ces «inepties» ont volontairement omis de dire que «la Sar a payé au Fisc un redressement de 5 milliards de francs Cfa durant cet exercice». Et de soupçonner des personnes hautement placées dans l’Etat qui «se servent de Locafrique comme véhicule pour s’accaparer de la Sar et faire main basse sur les ressources du pays».
Cas Samuel Sarr
Mais ce qui dérange surtout ces administrateurs de la Sar, ce sont les interventions intempestives de leur collègue Samuel Sar qui siège audit Conseil pour le compte de Locafrique, au même titre que Khadim Bâ, Momat Sarr et d’un certain Gassem Al Shaikh, en plus des administrateurs de Total-Sénégal, de Petrosen, du ministère du Pétrole et des Energie ou encore de Sahara Energy. «En tant que représentant d’un privé, il passe tout son temps à dire aux administrateurs qui l’écoutent béatement : +le Président a dit…+ alors que tout le monde sait qu’il ne lui a rien dit. Tout est dans les procès-verbaux des réunions du Conseil d’administration de novembre dernier. Ce monsieur veut jouer au grand financier alors qu’il n’en est pas un, encore moins un pétrolier. C’est Wade qui l’avait nommé avant que Macky Sall, alors Premier ministre, ne le dégage. Et tout le monde se rappelle de sa réaction à l’époque contre l’actuel Président», détaille une autre source du Conseil d’administration de la raffinerie de Mbao. Qui ajoute : «Il rabroue les gens, pose des questions qui n’ont aucun sens et exige que les gens aillent dans ce que lui souhaite comme réponse. A la place de Serigne Mboup, il parle comme s’il était le président du Conseil d’administration. Lors d’une de nos dernières réunions, il a rappelé, par exemple, que la baisse du Fonds de sécurisation des importations de produits pétroliers (Fsipp) était due au précédent régime mais qu’il est impérieux de la reconduire avec un meilleur taux pour supporter les investissements envisagés», narre un autre administrateur, confirmé par deux autres, qui se demandent si le régime a réellement changé. «Le ministre en charge du Pétrole a intérêt à vite regarder ce qui se passe à la Sar. Nous ne savons pas qui est derrière cette compagnie de Crédit-bail qui gagne subitement de bons marchés comme dans la ténébreuse affaire d’emprunt obligataire avec Afreximbank où elle a touché des commissions hors norme», s’interroge notre interlocuteur très inquiet pour l’avenir de la raffinerie.
Interpellé par WalfQuotidien sur ces accusations, Samuel Sarr dément catégoriquement. «C’est faux. Moi, j’étais ministre d’Etat, ministre de l’Energie. Je conseille quatre chefs d’Etat sur ces questions. Si j’avais discuté avec le président de la République, ce n’est là-bas que j’allais le dire. Je pose des questions parce qu’en tant qu’administrateur, je veux comprendre certaines choses sur leur gestion. C’est cela qui les gêne et ils veulent nous dénigrer. J’ai fait les montages financiers qui ont fait que la Sar a redémarré ses activités après 11 mois d’arrêt. Les gens oublient vite», réagit Samuel Sarr. Qui estime que son collègue M. Gassem a été plus virulent que lui dans les questions aux membres du Conseil d’administration. «Ils sont allés voir le président de la République pour lui dire les mêmes choses qu’on vous rapporte. Il a reçu Khadim Bâ qui lui a montré dans les Pv que c’est archi-faux», ajoute l’ancien ministre d’Etat sous Me Wade. Non sans annoncer que des gens ont fait des surfacturations sur huit cargos et ne veulent pas que l’affaire s’ébruite. «Ils ont acheté du pétrole 8 dollars de plus que les prix du marché et ne veulent pas qu’on se pose des questions sur la gestion d’une société qui doit faire entre 30 et 40 milliards de francs Cfa de bénéfices», a, pour sa part, réagi Khadim Bâ, patron de Locafrique que M. Sarr nous a passé au téléphone séance tenante. «Je suis intraitable. Si on m’égratigne, je réagis vigoureusement. Locafrique apporte 46 milliards d’investissements mais les gens ont peur. Les fournisseurs ont peur. Khadim Bâ dérange de gros intérêts. Et ils seront nombreux à avoir des problèmes le jour où on va élucider tous ces problèmes à la Sar», prévient Samuel Sarr. Pour lui, si on ne modernise pas la raffinerie cette année, il faudra la fermer en ce sens qu’il y a des normes à respecter. Ces investissements, précise-t-il, on devrait les faire depuis 2011.
Seyni DIOP