Sport : Préparateur mental, un métier controversé

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SENTV : Entre conservateurs et progressistes, le débat fait rage dans le milieu du sport sénégalais sur l’emploi ou pas d’un accompagnement mental. Une solution médiane pourrait satisfaire tout le monde.
« A l’Olympique de Marseille, nous n’avions pas de préparateur mental spécifique », informait Bamba Dieng, alors jeune attaquant sénégalais recruté par le club phocéen en 2021. L’international sénégalais (actuel joueur de Angers) se décrit comme possédant « une mentalité de fer » pour faire face aux épreuves comme ses différentes blessures. Au Sénégal, le métier de préparateur mental n’est pas encore présent dans tous les segments du sport. « De mémoire, j’étais le seul préparateur mental du championnat national quand j’y officiais de 2014 à 2018 », se souvient Khalifa Mohamed Traoré, l’ancien préparateur mental de Guédiawaye FC. Ce « retard » a, cependant, une explication.
Garde rapprochée
Des entraîneurs continuent à voir les professionnels de la gestion mentale des sportifs comme « un corps de métier étranger à leur staff », regrette M. Traoré. Les tenants de cette sorte de conservatisme parmi les professionnels du sport existent. C’est le cas de Mademba Mbacké, préparateur physique des arbitres de la Caf depuis 2008 et chargé de la préparation physique des arbitres africains pour la Fifa depuis la Coupe du monde 2014. « Tous les sportifs ne font pas forcément recours à un préparateur mental. De grands champions n’en ont pas besoin. Je ne dirais pas que ça ne sert à rien mais avoir des performances n’est pas uniquement lié à la présence d’un préparateur mental », prévient celui qui fut entraîneur national d’athlétisme (saut en hauteur et en longueur, sprint, haies) au début des années 2000. Le lutteur Issa Pouye n’en pense pas moins. Il rejette cet accompagnement préférant s’en remettre à sa garde rapprochée. Mademba Mbacké est convaincu que la présence d’un préparateur mental n’est pas essentielle.
Si Amadou Mbagnick Mbaye, ancien athlète sénégalais, se plie à l’argumentaire que la préparation mentale ne doit pas occulter le reste, le champion d’Afrique du 100m en 1989 pense, en revanche, que les athlètes ont, aujourd’hui, la chance de disposer « cet outil » en plus. « Il y a toute une équipe qui travaille avec l’entraîneur pour la performance de l’athlète. Cela peut aller jusqu’à 10 à 15 personnes. Le haut niveau ne se décrète pas. Les athlètes, c’est comme des Formule 1 », compare le Sénégalais actuellement responsable du pôle sprint du pôle au Centre national d’entraînement d’athlétisme de Normandie (France).
Psychologie
Dans la gestion de ces « à-côtés » importants, le footballeur Amdy Faye cite l’Angleterre comme pionnière. « Les clubs anglais sont en avance dans la maîtrise du stress, de la motivation, de la gestion des défaites et des victoires, mais aussi de la santé mentale des athlètes de haut niveau. Dès 2005, à Newcastle, nous avions un préparateur mental qui suivait toute l’équipe. C’est un plus. », le quart de finaliste du Mondial 2002.
Ne niant pas les apports du mental dans la performance des sportifs, Mademba Mbacké préfère user de la rhétorique. « Mais est-ce nécessaire qu’une personne extérieure au staff en soit le dépositaire », fait-il mine de questionner pour mieux marquer ses doutes. De l’avis du préparateur physique des arbitres africains lors de la Coupe du monde au Qatar, il faut connaître la discipline ou l’avoir pratiqué pour faire une intervention efficace. « Même quand on a des diplômes universitaires en psychologie, on ne peut pas tout saisir », dénigre Mademba Mbacké, avant de formuler un vœu : « le meilleur préparateur mental doit être l’entraîneur, lui-même. Un bon coach doit savoir quels mots utilisés pour motiver ses joueurs, en sport collectif, ou son protégé, en sport individuel ».
« C’est la cas de Youssoupha Dabo (actuel entraîneur de l’AS Vita Club (RDC)) formé en France, et de Cheikh Gueye, (ancien coach du Jaraaf), issu de la formation espagnole. Ces deux techniciens ont des aptitudes pour la préparation mentale de leurs équipes », Khalifa Mohamed Traoré. Une solution qui fait tomber les digues du conservatisme des deux côtés. MD
Article publié dans Le Soleil en 2021

 

Le Soleil

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