SENTV : Le chef du renseignement extérieur français a déclaré le 1er février dernier que le Golfe de Guinée était la cible d’Al Qaïda au Sahel.
Bernard Emié dit tenir ces informations d’une rencontre « filmée » qui a réuni en février 2020, les principaux chefs de la mouvance jihadiste liée à Al Qaïda. Ont pris part à cette réunion qui se serait tenue dans le centre du Mali Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), son numéro 2 Amadou Kouffa et feu Abdelmalek Droukdel qui était jusqu’à son élimination par l’armée française, l’émir d’Al Qaïda au Maghreb islamique.
Selon le chef de la Direction générale de la sécurité extérieure de la France, la Côte d’Ivoire et le Bénin sont devenus les principales cibles de cette alliance jihadiste qui a déjà envoyé des agents dans ces pays. Mais ce projet en cacherait un autre.
Si on se refère au vingt-septième rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions, présenté en application de la résolution 2368 (2017) concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) (Daech), Al-Qaïda et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, a déjà ses éléments dans un autre pays frontalier du Mali, le Sénégal.
Le rapport auquel Dakaractu a eu accès, renseigne que « des éléments du GSIM, soutenus par des influenceurs islamistes radicaux, se sont implantés au Sénégal, le long de la route de Kayes à Kaffrine, à Bakel, dans la réserve du Ferlo et dans la zone d’extraction aurifère de Saraya ».
Selon les experts de l’Onu, cette stratégie qui s’étend à au moins trois régions (Kaffrine, Tambacounda et Kédougou) peut être comparable aux actions déstabilisatrices de la Katiba Macina au Burkina Faso. « Des phénomènes comparables pourraient se produire dans les secteurs de Kayes, près de la frontière mali-Sénégal , où le nombre d’attaques a doublé en 2020 et de Sikasso, près de la frontière avec la Côte d’Ivoire où les atteintes à la sécurité se multiplient, alimentées par l’instabilité au Burkina Faso », peut-on lire dans le rapport qui en partie confirme ce qu’on savait déjà des projets de la filiale d’Al Qaïda au Sahel dans l’extrême ouest malien.
Dans un article publié le 20 novembre dernier, Dakaractu alertait sur l’avancée de la menace jihadiste vers le Sénégal. À partir d’informations vérifiées, votre site mettait en lumière comment la Katiba du Macina dirigée par le jihadiste peulh Amadou Kouffa coiffait un projet d’extension de l’idéologie salafiste jihadiste dans l’extrême ouest du Mali, avec sur le long terme, une infiltration du Sénégal.
« La menace ne peut venir que de ce côté», prévient une source sécuritaire contactée par Dakaractu. Il est utile de noter qu’un projet s’adosse sur l’exploitation des misères des populations parfois abandonnées à leur sort et dépourvus du minimum vital.
Cependant comme nous le soulignions, la manœuvre ne sera pas une partie de plaisir pour les jihadistes, car en face, il y a du répondant.
Côté sénégalais, la machine est mise en branle pour contenir cette menace qui devient de plus en plus évidente pour ne pas dire une réalité. Dans les zones aurifères du département de Saraya, les arrestations se sont multipliées ces derniers jours. Au mois de décembre, plusieurs dizaines d’individus de nationalité étrangère, en majorité des Burkinabé et des Maliens ont été appréhendés pour exploitation illicite de substance minérale et altération du domaine foncier. En outre, des opérations menées par la gendarmerie et des éléments des Eaux et Forêts ont permis de mettre la main sur des individus en conflit avec la loi sur l’exploitation des ressources forestières.
Du 20 au 28 novembre, le « Boundou » (département de Goudiry, dans la région de Tambacounda) est érigé Quartier général des forces de sécurité nationales pour des manœuvres baptisées « Falémé 2020», « en plus, le renforcement des capacités des unités participantes dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, vise à améliorer l’intégration des forces de défense et de sécurité (FDS) dans le cadre de la planification, du soutien, et de la conduite d’opérations asymétriques », renseigne un communiqué de la Direction de l’Information et des relations publiques des armées.
Autrement dit, ces manœuvres qui ont mobilisé, selon le journal Le Quotidien, 608 gendarmes, 2.505 militaires, 260 policiers, 67 sapeurs pompiers, 6 éléments des Parcs nationaux et 6 agents des eaux et forêts ont servi d’occasion aux fds sénégalaises pour se familiariser davantage avec le terrain. Pour le chef d’état-major des forces armées, le Général Birame Diop, il n’est pas possible d’attendre qu’une menace survienne pour découvrir le terrain. Le jour de clôture, une simulation de prise d’otages a été organisée par le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) pour anticiper sur cette pratique bien connue des groupes jihadistes qui ont déstabilisé le Mali et une partie de ses voisins.
Des sources bien informées soufflent à Dakaractu l’arrestation de personnes en lien avec le grand banditisme lors de ces opérations qui ont rassuré la population de l’extrême est du Sénégal. À juste titre, car ces dernières années se sont révélées très difficiles pour les communes aurifères de Sabodala, Khossanto et de Missirah Sirmanan où des coupeurs de route venus d’ailleurs sévissent en toute impunité.
Ce à quoi fait allusion le rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies pourrait s’apparenter à l’installation de cellules dormantes chargées de poser les premiers jalons de ce qui devrait, dans l’avenir, déboucher sur des actions jihadistes. Une autre manière de faire des groupes armés terroristes liés à Al Qaïda qui appelle des réponses appropriées sur le terrain du renseignement où le Sénégal a des arguments à faire valoir. En tout cas, voilà un grand défi pour le tout nouveau patron de la Délégation générale au renseignement national. Créée en 2014 et rattachée directement à la Présidence, la DNR chapeaute tous les services de renseignement du pays…
Avec Dakaractu