« Un Président ne se lamente pas » il agit (par Bachir Fofana)

0

SENTV : Commençons par exprimer notre solidarité à Abou Diallo et Oumar Sow, aujourd’hui en prison pour des propos que le procureur de la République qualifie de déclarations de nature à inciter à la discrimination ethnique. Tout démocrate et amoureux de la liberté devrait leur apporter un soutien. Leur arrestation est la énième manifestation de la dérive autoritaire et partisane dont le régime en place s’est fait l’auteur, en quelques petits mois d’exercice du pouvoir. Bah Diakhaté, Amath Suzanne Kamara, Commissaire Keïta, les directeurs de publication des journaux Le Quotidien et La Tribune, Cheikh Yérim Seck, Bougane Guèye Dany, Kader Dia… sont tous passés entre les mains de ce pouvoir liberticide. Tous les républicains et démocrates de ce pays doivent se mobiliser pour arrêter ces harcèlements à la fois injustes et dangereux pour la paix et la stabilité du Sénégal. Et c’est dans ces moments qu’on se demande où sont les universitaires très prompts à pondre un texte sous le régime de Macky Sall.

Ensuite, souhaitons un bon retour parmi nous à Moustapha Diakhaté, qui hume l’air de la liberté après deux mois à l’ombre pour ses opinions politiques. «Danga alku», une expression que tout le monde utilise tous les jours, a été considérée par le procureur de la République comme une insulte, et cela lui a valu un séjour carcéral. L’homme que je suis allé voir en prison m’avait déjà exprimé sa volonté de revenir en force, et il l’a réitérée dès sa sortie : il n’est pas prêt à déposer les armes. «Je suis sorti en très bonne santé, comme avant mon entrée en prison. Je reste convaincu que le combat pour le respect du pluralisme et de la liberté d’expression est mon credo. (…) Je suis encore plus que jamais déterminé à consacrer ma vie à la défense de la démocratie et des Sénégalais», a-t-il déclaré sur la Rfm. La prison de Rebeuss, pour Moustapha Diakhaté, est «une vraie université». «Un séjour à Rebeuss, même s’il faut payer pour y aller, il faut le faire. J’ai beaucoup appris là-bas.» Bienvenue Grand.

Pastef n’a pas de stratégie

En son absence, beaucoup de choses se sont passées dont la dernière est la première Conférence des administrateurs et managers publics (Camp) tenue cette semaine. Une seule chose a retenu l’attention : les lamentations du président de la République. Oui, un président de la République qui se lamente est tellement rare que cela mérite d’être souligné. Au terme de neuf mois d’exercice du pouvoir, le président de la République, attendu sur des solutions, s’alarme. «D’abord, un Etat contraint dont les marges de manœuvre budgétaire et financière n’existent quasiment plus, une Administration républicaine, mais manquant de cohérence et figée dans des schémas dépassés, alors même que les réalités socio-économiques évoluent rapidement, marquées notamment par la transformation numérique et l’essor de l’Intelligence artificielle», regrette le chef de l’Etat, qui indique de plus que le secteur parapublic est hypertrophié, faisant souvent doublon à l’administration centrale, budgétivore et dont la contribution aux dividendes de l’Etat reste trop faible. Toujours dans ses propos lors de la Conférence des administrateurs et managers publics, le président de la République entend se départir des services publics complexes et coûteux qui limitent l’efficacité des politiques publiques et ternissent l’image de l’Etat. Dès lors, il est impératif de refonder l’Administration, pour la rendre plus moderne, plus proche des citoyens et plus efficiente dans ses missions. C’est l’objectif même de cette Conférence des administrateurs et managers publics, qui se veut un espace de dialogue, de réflexion et d’orientation stratégique.

« Un Président ne devrait pas dire ça…» est le titre d’un livre des journalistes français d’investigation Gérard Davet et Fabrice Lhomme, publié en 2016 et consacré à cinq années d’entretiens privés des deux hommes avec le président de la République française d’alors, François Hollande. Nous aussi, nous sommes tentés de dire à notre cher président de la République qu’ un président se ne lamente pas, ne pleurniche pas. Qu’il est élu pour solutionner les maux dont il a hérité.

A l’alternance de 2000, Me Abdoulaye Wade, lors de son premier voyage en France, avait dit sur le perron de l’Elysée, être venu «chercher des armes car l’Armée du Sénégal est sous-équipée. Les caisses de l’Etat sont remplies d’agent». C’est bien plus tard que les Sénégalais ont su par l’entremise de Idrissa Seck, que la situation héritée des socialistes était bien catastrophique. Il dira que pour ne pas casser l’espoir du Peuple, et surtout continuer de bénéficier de la confiance des partenaires, ils étaient dans l’obligation de ne pas communiquer sur la situation réelle du pays.

En 2012, lors de l’élection présidentielle, le même Wade prédisait que si Macky Sall était élu, les fonctionnaires pourraient ne pas percevoir leurs salaires. Ce qui présageait d’une situation complexe du pays. L’on se souvient du premier Conseil des ministres du premier gouvernement de Macky Sall, nouvellement élu. A l’unisson, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre du Budget, et certains de ses collègues, avaient annoncé que «les caisses de l’Etat (étaient) vides». Mais il leur a vite signifié qu’il ne s’agissait pas de communiquer sur le phénomène, mais de s’atteler à régler les problèmes pour lesquels ils ont été élus.

En avouant son échec et celui de son Premier ministre par ricochet (Diomaye mooy Sonko), le chef de l’Etat semble jeter l’éponge avant même d’avoir entamé le combat. Il s’avoue défaitiste contrairement à leurs annonces d’avant accession au pouvoir, quand ils disaient ne pas croire «à la réalité du pouvoir», ou qu’ils avaient les solutions aux problèmes du pays et qu’il ne leur fallait pas plus de «deux mois» pour voir les effets d’une transformation systémique du pays.

Un président de la République ne doit pas être un spectateur de la situation…

Finalement, le parti Pastef n’a pas de stratégie. Finalement, c’est triste de découvrir que c’était juste un regroupement de beaux parleurs au lieu d’être une force de proposition concrète. Le produit n’a pas répondu aux attentes, et c’est dommage. Car les jeunes et la diaspora croyaient réellement au «Porozet» pour un changement qualitatif de leur vie. Diomaye ne fait pas encore le poids ; et si ça se confirme, ce sera de la faute de Sonko qui l’a proposé au Peuple sénégalais. Au Gabon, le Président putschiste a limité les salaires à 5 millions. Au Mali et au Burkina Faso, il y a des menaces de rembourser l’argent pillé ; c’est comme ça qu’on gère. Mais au Sénégal, on assiste à de l’hésitation, des slogans, à d’interminables voyages coûteux qui n’ont rien rapporté. Un Président ne se lamente pas, il a tous les moyens pour agir et il doit agir. Un président de la République ne doit pas être un spectateur de la situation, mais un acteur central qui porte des réformes ambitieuses. Le Président doit incarner une vision claire, prendre des responsabilités sur des enjeux fondamentaux et ne pas se dérober face aux difficultés, disait Nicolas Sarkozy, le 14 janvier 2007 à Villepinte.

Le Président Diomaye devrait s’inspirer de Napoléon Bonaparte lors du siège de Toulon en 1793. Jeune Capitaine, voyant que la France était en train de perdre face à la Marine britannique et son artillerie, Napoléon soumet un plan d’attaque au Général Dugommier, qui a pris le commandement du siège. L’application de ce plan permit la reprise de la ville aux troupes royalistes et britanniques le 18 décembre, après la prise du Petit Gibraltar. Il est fait d’office Général de brigade pour cette audace.

Oui, il faut de l’audace pour faire bouger les choses. Les Sénégalais ont sanctionné le pouvoir sortant, donc élu Diomaye pour qu’il apporte des solutions, non pour simplement identifier les problèmes. De tels comportements ne font pas honneur à notre République qui a toujours été dirigée par de grands leaders incarnant un leadership avéré et respecté. De plus, un Etat doit rassurer. Un Etat doit donner de l’espoir. Un Etat doit être ouvert d’esprit, moins bavard et plus pragmatique. C’est ce qui facilite les investissements venant de l’extérieur et booste le secteur privé national. Or, à part constater des manquements et se lamenter, Pastef n’a aucune vision. Il est impératif d’agir plutôt que de se contenter de constater les dysfonctionnements. Les constats sont connus, les solutions sont souvent évoquées, mais c’est dans l’action concrète et décisive que se trouve la véritable réforme. Etre dans le temps de l’action suppose de savoir où on va. On est dans le pilotage à vue et dans les règlements de comptes via la Justice.

L’Administration sénégalaise connaît les mêmes goulots d’étranglement depuis fort longtemps. Sous Abdou Diouf, nous avions un ministère dédié à la Modernisation de l’Etat. Wade a érigé le département de la Compétitivité et de la bonne gouvernance. Macky Sall a eu à confier le ministère de la Fonction publique, de la rationalisation des effectifs et du renouveau du service public à Viviane Bampassy. C’est dire…

- Advertisement -

commentaires
Loading...